PERPETUUM MOBILE

2005

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Éric Bourret et le mythe du flux primaire

Perpetuum mobile, big Bang et carrés noirs

« Il pensa au monde à l’extérieur du magasin.
Un chaos infini de formes mouvantes. »
Philip K. Dick, Les voix de l’asphalte

Perpetuum Mobile, un polyptique réalisé par Éric Bourret en 2005, est composé de cinq tirages photographiques noir et blanc de format carré. Chacun d’eux est un all over d’une matière complexe et vibrante qui fait chavirer l’assurance de l’œil et du langage à définir l’objet de l’attention : est-ce vraiment une photographie et non pas un dessin ? Est-ce un espace réel ou fictif ? Une vue macroscopique ou microscopique ? Un papier froissé ou une écorce ? De la roche ou bien de la lave en fusion ? Il faut se renseigner pour savoir que l’artiste a photographié, à l’aplomb d’une calanque marseillaise, la surface de la mer éclairée par le soleil.

Le bruit des vagues

Le titre de l’œuvre, Perpetuum Mobile, désigne en musique le flux de notes continu et souvent rapide de certaines partitions, et plus généralement des mouvements ou des thèmes destinés à être répétés. Par exemple, pour le deuxième mouvement de La Mer (1905), intitulé Jeux de vagues, Debussy a innové en composant une partition ne renvoyant « à aucune référence, à aucune obligation formelle que celle de la perpétuelle mouvance¹ ». Le mouvement répétitif des vagues s’y continue toujours de lui-même, variant selon les changements de timbre et de coloration orchestrale, comme les millions de brins d’herbe et de paille des meules de Monet répétaient quinze ans plus tôt les formes d’un même toujours différent, meule après meule, tableau après tableau.

Dans sa manière d’envisager les paysages, Éric Bourret reconnaît l’importance de la musique, celle des râgas indiens, celle de John Cage, de Morton Feldman ou de la musique spectrale de Gérard Grisey et de Tristan Murail : « L’étirement du temps, l’étagement sonore, la micro-tonalité, la résonance des cordes par sympathie a sans doute permis d’envisager la représentation du paysage vécu comme un corps mutable, autonome, où tous les accidents et hasards du temps pourraient se télescoper.² » Dans une reconnexion antimoderne de l’humain à la nature, rejetant la représentation d’un paysage territorialisé au profit d’une traversée symbiotique de la nature qui touche à l’épiphanie spirituelle non dénuée d’érotisme – Excuse me, while I kiss the sky³ – Éric Bourret s’inscrit dans une tradition d’artistes (accepte-t-il le terme ?) cherchant au fond moins la composition que l’impression et la révélation.

Certaines œuvres récentes d’Éric Bourret se rattachent explicitement aux transformations de l’écosystème dans le cadre de la prise en compte écologique contemporaine. D’autres renvoient plus à des études ethnologiques abordant les traces humaines laissées dans le paysage, à la manière des routes et sillons de Mario Giacomelli. D’autres encore relèvent explicitement du « carnet de marche », relatant l’expérience individuelle d’un corps à un espace donné : elles fondent spécifiquement le lien fort qu’il se reconnaît avec les artistes du land art. D’autres enfin, comme Perpetuum mobile, Hun-Tun, Écho ou Kosmos affichent frontalement leur volonté de représenter le mouvement chaotique de la nature qui touche au big bang originel et au dépassement de la relation entre sujet et objet : plutôt que la multiplication kaléidoscopique des images du monde, l’expérience synthétisée en un carré (mystique) de l’éternel flux primaire, et d’une certaine façon, la même image toujours recommencée : Montagne au carré est une série réalisée au 6 x 6 dans les Alpes sur plus de dix ans.

Le degré zéro des formes

La recherche d’un carré noir universel est un des grands fantasmes de l’histoire de la peinture du XXe siècle. En 1916, Kazimir Malévitch affirmait avoir atteint « le zéro des formes » et être « allé au-delà du zéro vers la création, c’est-à-dire le Suprématisme, vers le nouveau réalisme pictural, vers la création sans-objet4 ». L’année précédente, il avait présenté à Pétrograd, dans une salle de la « Dernière exposition futuriste de tableaux 0,10 », à la galerie Dobytchina, un ensemble de toiles suprématistes, parmi lesquelles le célèbre Quadrangle, carré noir sur fond blanc, motif initial allongé, pivoté, multiplié sur les autres toiles, à l’exemple de la Croix noire… Les formes géométriques imparfaites aux lignes arquées ou pivotantes révélaient, selon lui, une tension primaire au sein d’un « Monde blanc », utopie qu’il concevait comme « l’espace dévolu à l’excitation éternelle comme rythme du silence de l’Univers infini5 ». Dans cette philosophie cosmique, la réduction visuelle au noir et au blanc « qui servent au dévoilement de la forme de l’action6 » visait à rendre compte de manière quasi-pictogrammatique d’une tension primordiale traversant toute matière.

L’histoire de l’abstraction regorge de cette volonté d’atteindre un « monde sans-objet7 », une réalité invisible à l’œil nu, derrière le miroir des images, toute dynamique, fluidique, vibratoire ou énergétique, synesthésique car universelle, offrant un passage entre le visible et l’invisible, le terrestre et le céleste, le physique et le spirituel, entre le corps humain et le monde, mais aussi entre le présent et un temps plus large, plus mou, incalculable8. Cette quête relève souvent d’un désir universaliste, une pensée moniste du monde entre science et mysticisme, ainsi que l’objectif de quitter le tangible, les choses, pour atteindre un réel élargi au cosmos dont l’œuvre et l’artiste font partie. Plus encore, cette osmose vibratoire serait la cause même du geste artistique avant d’en être la transcription ou la figuration. Dans cette symbolisation occidentale des puissances primaires qui stabilisent ou animent l’univers, les transferts culturels sont nombreux, confinant parfois au syncrétisme et puisant principalement dans les religions et spiritualité asiatiques. Ainsi Hilma af Klint a-t-elle peint en 1920 une série de cercles dans lesquels le noir et le blanc s’interpénètrent de manières variées et dont les titres indiquent qu’ils reflètent successivement Le point de vue de Mahatma, Le point de vue des Juifs sur la naissance de Jésus, ou encore Le point de vue de Bouddha sur la Vie Terrestre9. L’iconographie new age et la culture populaire en ont gardé, entre autres, le symbole de la complémentarité du yin et du yang chinois alors que dans l’éternelle bataille entre philosophie ontologique du monde et philosophie du processus et de devenir, cette dernière s’est aujourd’hui imposée en même temps que le paradigme environnemental, l’interdépendance des êtres et leur milieu, sa fragilité, prenait le dessus sur l’idée d’une nature à consommer… et à photographier ?

Merveilleux scientifique

Les œuvres les plus graphiques d’Éric Bourret s’inscrivent dans cette vaste tradition anti-matérialiste, anti-nominative et anti-individualiste de la représentation du monde où l’artiste ne se présente plus comme un créateur mais comme un médium, un passeur, et plus prosaïquement ici comme un marcheur recevant la réalité du monde à la surface de son écran photographique. Sans être spirite, Éric Bourret n’en est pas moins intéressé par les cultures orientales et la compréhension du monde en mutation qu’elles offrent. John Cage étudiait le zen et utilisait le Yi Jing pour ne pas composer ses partitions. Éric Bourret a, lui, adopté un protocole photographique aléatoire qui consiste à marcher sur une distance donnée, notamment dans l’Himalaya, en déclenchant l’obturateur à intervalles réguliers (trois, six ou neuf fois). Il présente la photographie comme un outil de déconstruction, qui lui permet de « corrompre l’idée de réel10 », c’est-à-dire de dépasser les conceptions visuelles et nominatives fixes qu’on en a, et de le présenter comme quelque chose d’intangible, complexe, incompréhensible :
« Comment rendre compte de tous ces événements éthérés et telluriques qui se produisent au même moment et dont vous faites partie, disparaissent et se réinventent dans un flux continuel ? Comment cristalliser cette expérience organique et sonore et la projeter dans une matière plastique ? En superposant plusieurs instants dans la même image et en assumant l’aléatoire et le magique qui en découle j’ai la sensation d’être au plus proche du réel.11 »

Le photographe parle de son appareil comme d’un « réceptacle12 », terme à travers lequel s’entend toute l’histoire mythique de l’appareil photographique comme « pinceau de la nature13 » et celle de l’épreuve photographique conçue comme une empreinte directe du monde. Éric Bourret rend compte aussi de « l’attente » et de « son lot de magie14 » produit par la découverte des clichés en rentrant au refuge ou chez lui. Magie de l’appareil techno-scientifique : d’autres métaphores le laissent entendre, lorsque Bourret parle de « prélèvement », de « carottage photographique »
à la recherche des temps enfouis, de « sismographe » sensible aux vibrations souterraines, ou encore d’une manière plus générale d’une « échographie du réel15 ».
La première vision outillée qui l’a marqué est celle du télescope, lorsqu’à quinze ans il a découvert l’astrographie dans une colonie de vacances dans l’Aveyron. Il raconte les trois semaines passées à photographier au télescope les corps célestes durant une longue durée pour suivre leurs déplacements. Photographies d’astres et photographies de montagnes sont comparées dès le XIXe siècle. En témoigne l’admiration exprimée par Théophile Gautier pour les photographies alpines des frères Bisson qui, selon lui, ont « dépassé la zone humaine » et donnent
« l’impression qu’on éprouve en observant la lune au télescope, lorsque l’ombre tombant de ses montagnes en dessine les anfractuosités sur le fond d’argent de son disque ébauché à demi17 ». Le développement de cette nouvelle imagerie dans la seconde moitié du XIXe siècle, dont le carré noir d’une Photographie d’un amas d’étoiles des frères Paul et Prosper Henry est un exemple saisissant, a offert aux écrivains et artistes les images d’un monde purement matériel, dont la transcendance ne venait pas de la découverte d’un monde supérieur mais de la révélation techno-poétique de l’infinité du monde dans le monde, celle du merveilleux scientifique.

Sérialité et universalité

Gerhard Richter, lui aussi amateur de John Cage, est un autre exemple d’un peintre qui a cherché dès 1968 à dépasser la composition artistique en peignant le « chaos », des photographies aériennes de villes, des vues de la surface de la lune, des ciels, des étoiles mais aussi des montagnes : « Je voulais changer du discours sans équivoque, du récit lisible et limité. J’ai donc été attiré par ces villes mortes et les Alpes, qui dans les deux cas étaient des étendues de pierre, des choses sans signification. C’était une tentative de transmettre un contenu d’un genre plus universel.18 »

On peut rapprocher les photographies d’Éric Bourret d’une série de tableaux carrés (70 x 70 cm) de Richter peints en 1969, représentant le même fragment all over des Alpes suisses, avec à chaque fois un léger décalage, comme si l’auteur.e de la photographie source avait quelque peu marché. Richter a transformé les photographies en agencements contrastés de surface grises, noires et blanches, dont l’œil ne peut plus saisir le volume et la profondeur. Les limites de l’artiste face à l’infinité du monde et à la matière qui s’auto-compose sont doublées par les limites de l’œil du spectateur à le saisir et son besoin inhérent d’y chercher des « images potentielles19 », à rapporter le chaos au connu. On y découvre des têtes de morts, peut-être parce qu’en terme de perte de soi, il n’y a rien de plus universel.

La sérialité que l’on retrouve chez Éric Bourret jusqu’à la superposition de prises de vue participe de la remise en cause de la construction objective, permanente et fixe de la nature au bénéfice de son appréhension subjective, éphémère et vibratoire qui prend en compte la nature humaine et sa finitude.

Lorsqu’on lui fait remarquer le caractère abstrait de ses photographies, Éric Bourret répond d’ailleurs qu’il se sent « beaucoup plus proche de Joan Mitchell et Philip Guston traitant des nymphéas de Monet que de Caspar David Friedrich et ses mers de nuages20 ». Ses photographies pointent vers une conception du monde en masse et en mouvement, et vers les années 1950-1970 où tant de peintres se posaient la même question, à l’instar de Judit Reigl qui en a fait le titre d’une de ses « écritures en masse », celle de savoir Comment faire danser un carré (1964) comme s’il n’y avait rien de pire que l’inertie.

Déconnexion et white cube

Les photographies d’Éric Bourret et les œuvres des autres artistes que nous avons mentionnés affirment leur tension avec la figuration, alors même que les plus hauts sommets, comme la lune, sont devenus des lieux scrutés en permanence par des systèmes d’imageries de plus en plus puissants. Aujourd’hui, il est possible de marcher virtuellement partout dans le monde à l’aide de Google Street View. Bientôt, il sera certainement possible de suivre les sentiers de GR de l’Himalaya : Google a déjà équipé de caméras des bateaux descendant des fleuves amazoniens, des dromadaires traversant les déserts, ou encore une motoneige pour recréer le parcours des pistes des stations de ski. Pour l’instant, sur Google Maps, nous pouvons voir des milliers de « photo-sphères » de l’Himalaya que des utilisateurs ont réalisées le long des sentiers et des camps, à plusieurs kilomètres d’altitude, puis enregistrées sur la carte.

Les photographies d’Éric Bourret s’opposent formellement à ces magnifiques panoramas en trois dimensions. Elles soulèvent pourtant la question de la possibilité de s’extraire du monde commun sans utiliser le monde commun et notamment ses technologies (on se rappelle les critiques adressées à Yann Arthus-Bertrand pour son bilan carbone). Peut-on encore aujourd’hui atteindre une zone au-delà de l’humain ou est-ce un mythe dont certains artistes seraient les héros ? En se promenant dans le « Monde blanc » du white cube muséal, le regard flottant sur quelques carrés noirs, c’est bien le dépassement de nous-mêmes que nous venons chercher.

Jean-Remi TOUZET, 2021

Livre / Flux / Arnaud Bizalion éditions, 2021
Exposition / Centre de la Vieille Charité, Marseille / octobre 2021, février 2022

1 « Claude Debussy », Dictionnaire de la musique, sous la direction de Marc Vignal, Éditions Larousse, 2017
2 Éric Bourret cité dans Christophe Asso, « Éric Bourret. Les bruissements du monde », en ligne, photorama marseille, publié le 5 avril 2020, URL : photorama-marseille.com/Éric-bourret-les-bruissements-du-monde/
3 Excuse me, while I kiss the sky est le titre d’une série, datée 2010-2011, de tirages grand format (145 x 175 cm) de photographies de ciels prises en Inde et dans l’Himalaya
4 Kazimir Malévitch, « Du cubisme et du futurisme au suprématisme. Le nouveau réalisme pictural » (1916), dans Kazimir Malévitch, Écrits, t. I,
Paris, Éditions Allia, 2015, p. 65-66
5 Kazimir Malévitch, Le Suprématisme : le Monde sans-objet ou le Repos éternel, présentation et traduction du russe de Gérard Conio, Éditions InFolio, Coll. « Archigraphy », 2011, p. 377-378
6 Kazimir Malévitch, Le Suprématisme 34 dessins (1920), cité par Jean-Claude Marcadé, « Le Carré, le Cercle, la Croix, le Noir et le Blanc – ou le surgissement suprématiste de l’espace du monde », 3 avril 2015, URL : vania-marcade.com/les-clefs-dune-passion-malevitch/
7 Ibid.
8 La relecture de l’abstraction à partir de ses sources symbolistes et spiritualistes, notamment de la théosophie, initiée dans les années 1960 par les travaux de Robert Welsh sur Piet Mondrian et de Sixten Ringbom sur Vassily Kandinsky, fut l’objet en 1986 de l’exposition « The spiritual in Art : Abstract Painting 1890-1985 », organisée par Maurice Tuchman au Los Angeles County Museum of Art. Voir Pascal Rousseau, Serge Lemoine (dir.), Aux origines de l’abstraction, 1800-1914, Musée d’Orsay, 2003-2004 ainsi qu’Arnauld Pierre, Pascal Rousseau, Abstraction, Éditions Citadelles & Mazenod, 2021
9 La chromatologie de Goethe (son cercle des couleurs) est alors réévaluée par Rudolf Steiner, avec lequel Hilma af Klint est en contact au début des années 1920. Voir Hilma af Klint, une modernité révélée, Centre culturel suédois, 2008, et notamment l’article de Pascal Rousseau, « Hilma af Klint, une peinture inspirée », p. 11-16
10 Éric Bourret, cité dans Marie Renoue, « Expériences de paysages. En deçà et au-delà du visible », dans Éric Bourret. Hun-Tun, Lyon, Éditions Fage, 2008
11 Éric Bourret, cité par Léon Mychkine dans Entretiens téléphoniques, mai-juin 2020, URL : art-icle.fr/entretien-avec-le-photographe-Éric-bourret/
12 « Pour moi, l’image photographique est un réceptacle de forme, d’énergie et de sens. Elle fixe les expériences […] », Éric Bourret, cité par Léon Mychkine dans « Éric Bourret, l’affordance du paysage », juin 2020, URL : art-icle.fr/Éric-bourret-laffordance-du-paysage/
13 William Henry Fox Talbot, The Pencil of Nature, 1844-1846, Longman, Brown, Green & Longmans publishers, Londres
14 Léon Mychkine, Entretiens téléphoniques, mai-juin 2020, op. cit.
15 Éric Bourret, cité dans Christophe Asso, op. cit.
16 Ibid.
17 Théophile Gautier, Les vacances du lundi. Tableaux de montagnes (1862), Éditions Champ Vallon, Coll. « Dix-Neuvième », 1994, p. 166, cité par Pierre-Henry Frangne dans « L’image déhiscente. Gautier et la photographie de montagne des frères Bisson », Études photographiques, Société française de photographie, n°25, mai 2010, p. 4-5
18 Gerhard Richter, « Interview Benjamin Buchloh 1986 », Text. Writings, Interviews and Letters 1961-2007, Thames & Hudson, Londres, 2009, p. 175 : “I wanted to change from the unequivocal statement, the legible and limited narrative. So I was attracted by those dead cities and Alps which in both case were stony wastes, arid stuff. It was an attempt to convey content of a more universal kind.”
19 Dario Gamboni, Images potentielles. Ambiguïté et indétermination dans l’art moderne, Les presses du réel, 2016 (édition originale publiée par Reaktion Books, UK, 2002)
20 Léon Mychkine, Entretiens téléphoniques, mai-juin 2020, op. cit. Sur le traitement des nymphéas dans la peinture américaine à laquelle se réfère Éric Bourret, voir le catalogue de l’exposition organisée par Cécile Debray au musée de l’Orangerie, Paris, Nymphéas. L’abstraction américaine et le dernier Monet, co-édition Musée d’Orsay / Réunion des musées nationaux-Grand Palais, 2018

Éric Bourret and the myth of primary flux

PERPETUUM MOBILE, BIG BANG, AND BLACK SQUARES:

“He thought of the world outside the store.
An infinite chaos of shifting shapes.”
Philip K. Dick, Voices from the Street

Perpetuum Mobile, a polyptych created by Éric Bourret in 2005, comprises five square black-and-white prints. Each of them is an all-over image with a complex and vibrant composition that upends the observation process and unsettles the language used to assess and define the object that is being observed. Is it really a photograph and not a drawing? Is it a real or fictional space? A macroscopic or microscopic view? A crumpled piece of paper or a scrap of bark? Rock or molten lava? Only after making inquiries does one learn that the artist photographed the surface of the sea as it was illuminated by the sun at the edge of a rocky cove in Marseille.

The sound of the waves

The title of the work, Perpetuum Mobile, is a musical term that refers to the continuous and often rapid flow of notes in certain compositions, and, more generally, to movements or themes intended to be repeated. An example of this is the second movement of The Sea (1905), which is entitled Play of the Waves; here, Debussy innovated by composing a score that was not based on “any reference, any formal obligation other than that of perpetual motion.”1 The repetitive movement of the waves always continues on its own, varying according to the changes in timbre and orchestral coloring, just as, 15 years previously, the millions of blades of grass and straw in Monet’s haystacks series repeated the forms of something that was the same but always different, haystack after haystack, painting after painting.
In his manner of considering landscapes, Éric Bourret recognizes the importance of music – Indian ragas, John Cage, Morton Feldmann, or the spectral music of Gérard Grisey and Tristan Murail: “The stretching of time, the layering of sound, the microtonality, the resonance of sympathetic strings has undoubtedly permitted the experience of the landscape to be seen as a representation of a mutable, autonomous body where there is a telescoping of the accidents and hazards of time.”2 Through this anti-modern reconnecting of the human to nature that rejects the representation of a territorialized landscape in favor of a symbiotic traversing of nature that touches upon a spiritual epiphany that isn’t devoid of eroticism – “Excuse me, while I kiss the sky”3 – Éric Bourret becomes part of an artistic tradition (does he accept the term?) that on a foundational level is more interested in the impression and the revelation than the composition.

Some of Éric Bourret’s recent works are explicitly related to the transformations of the ecosystem in the context of contemporary environmental awareness. Others resemble more ethnological studies that contemplate the human traces left in the landscape, in the manner of the paths and furrows photographed by Mario Giacomelli. Others still are explicitly reminiscent of a “walking journal” and are related to the individual experience of a body in a given space; these works underpin the strong bonds that he recognizes with land artists. Finally, other series, such as “Perpetuum Mobile”, “Hun-Tun”, “Echo”, or “Kosmos”, manifest their desire to represent the chaotic movement of nature that echoes the original Big Bang and transcends the relationship between subject and object. Rather than the kaleidoscopic multiplication of the world’s images, the experience is synthesized in a (mystical) square of eternal primary flux; in a certain way, the same image is always started over, as may be observed in “Montagne au carré” [Mountain Squared], a series made with a 6×6 camera in the Alps over more than ten years.

The ground zero for shapes

The search for a universal black square is one of the great fantasies of the history of 20th-century painting. In 1916, Kazimir Malevich claimed to have reached “the zero of form” and stated, “I transformed myself in the zero of form and emerged from nothing to creation, that is, to Suprematism, to the new realism in painting – to non-objective creation.”4 The previous year, Malevich had presented a set of Suprematist canvases in a room at the “Last Futurist Exhibition of Paintings 0.10” at the Dobychina Gallery in Petrograd. Among his work was The Black Square, a black square on a white background, with this initial motif being elongated, rotated, or multiplied on other canvases, like Black Cross… The imperfect geometric forms with arched or pivoting lines revealed, according to him, a primary tension within a “white world”, a utopia that he conceived of as “the space devoted to eternal excitement as a rhythm of the silence of the infinite universe.”5 In this cosmic philosophy, the visual reduction to the black and the white “which are used for the unveiling of the form of the action”6 was an attempt to provide a quasi-pictogrammatic account of the primordial tension that traverses all matter.

The history of abstraction overflows with this drive to reach a “non-objective world”7, a reality that is invisible to the naked eye and that lurks somewhere behind the mirror of images; a world that is dynamic, fluid, vibratory, or energetic, and synesthetic because it’s universal, one that offers a passage between the visible and the invisible, the terrestrial and the celestial, the physical and the spiritual, and the human body and the world, but also between the present time and a broader, more supple, incalculable time.8 This quest often comes from a universalist desire, a monistic way of thinking of the world that is a blend of science and mysticism, as well as the goal to leave behind the tangible, the world of things, to reach a reality that has been extended to the very cosmos that encompasses both the work and the artist. Going even further, this vibratory osmosis would become the root cause of the artistic gesture, long before any transcription or figuration of it. In this Western symbolization of the primary powers that stabilize or animate the universe, there are numerous borrowings from other cultures, sometimes bordering on syncretism and drawing mainly from Asian religions and spirituality. Such amalgams can be seen in the works that Hilma af Klint painted in 1920: a series of circles where black and white interpenetrate in various ways and whose titles indicate that they successively reflect The Current Standpoint of the Mahatmas, The Jewish Standpoint at the Birth of Jesus, or Buddha’s Standpoint in Worldly Life.9
New age iconography and popular culture have retained, among other things, the Chinese yin and yang symbol for complementarity; meanwhile, in the eternal battle between the ontological philosophy of the world and the philosophy of process and becoming, the latter has become predominant, just as the environmental paradigm that embraces the interdependence of beings and their environment and its fragility has taken over from the idea of nature to be consumed… and photographed?

Scientific wonder

Éric Bourret’s most graphic artworks are part of this vast anti-materialist, anti-nominalist, and anti-individualist tradition of representing the world in a way that the artist no longer introduces themself as a creator but as a medium, a conduit, and, more prosaically in this case, as a walker that receives the reality of the world through the lens of his camera. Without being a spiritualist, Éric Bourret is nonetheless interested in Eastern cultures and their understanding of the changing world. John Cage studied Zen and used the I Ching to make undirected compositional decisions that rejected any traditional scoring of the music. Similarly, Éric Bourret has adopted a random photographic protocol that consists of walking a given distance, notably in the Himalayas, while triggering the camera’s shutter at regular intervals (three, six, or nine times). He presents photography as a tool of deconstruction, which allows him to “corrupt the idea of reality”10,

that is to say, to go beyond the fixed visual and nominative conceptions that we
have of it, and to present it as something intangible, complex, incomprehensible: “How can we account for all these ethereal and telluric events that occur at the same time and that you are a part of, as they disappear and reinvent themselves in a continual flux? How do you crystallize this organic and aural experience and project it into a tangible form? By superimposing several moments from the same image and by accepting the randomness and the magic that comes from it, I have the sensation of getting closer to reality.”11

The photographer speaks of his camera as a “receptacle”12, a term that evokes the whole mythical tradition of the camera as a “paintbrush of nature”13 and the notion that the photographic print is a direct imprint of the world. Éric Bourret also recounts the role of “waiting” and “its part in the magic”14 that is produced when he discovers the photographs upon returning to his mountain refuge or to his home. The magic of the techno-scientific apparatus. Other metaphors conjure this as well, such as when Bourret speaks of “taking samples”, of “photographic coring” in search of buried times, of a “seismograph” sensitive to underground vibrations, or, in a more general way, of an “echography of reality.”15 The first tool for vision that marked him was the telescope, when he discovered astronomical imaging at a vacation camp in Aveyron when he was 15 years old. He tells of the three weeks spent photographing celestial bodies through a telescope, capturing images over long periods to follow their movements.16 Photographs of celestial bodies and mountains have been the subject of comparisons dating back to the 19th century and Théophile Gautier’s admiration of the Bisson brothers’ alpine photographs that “surpassed the human zone” and gave “the very impression that one has when observing the moon through a telescope, when the shadow falling from its mountains draws crevices on the silver background of its half-formed disk.”17 The development of this new imagery in the second half of the 19th century, of which the black squares of stars photographed by the brothers Paul and Prosper Henry are striking examples, offered writers and artists images of a purely physical world, whose transcendence did not come from the discovery of the metaphysical world but from the techno-poetic revelation of the infinity of the world within the world, that of scientific wonder.

Seriality and universality

Gerhard Richter, also a fan of John Cage, is another example of an artist who, as early as 1968, sought to go beyond composition by painting “chaos”, such as aerial photographs of cities, views of the surface of the moon, skies, stars, and mountains: “[I] wanted a change from the unequivocal statement, from the legible and limited narrative. So I was attracted by those dead cities and the Alps, which in both cases were stony wastes, arid stuff. It was an attempt to convey content of a more universal kind.”18
Bourret’s photographs can be compared to a series of square paintings (70x70cm) that Richter painted in 1969, representing the same all-over fragment of the Swiss Alps, each time with a slight shift, as if the author of the source photograph for the paintings had walked a little. Richter transformed the photographs into contrasting arrangements of gray, black, and white surfaces, whose volumes and depths can’t be grasped by the eye. The limits of the artist when faced with the infinity of the world and the self-composing material are matched by the limits of the viewer’s eye to perceive it and the brain’s inherent need to look for “potential images”19, to make a connection between the chaos and the known. We tend to see skulls, perhaps because there is nothing more universal in terms of the loss of self.
The serial nature of Éric Bourret’s work, including the superimposition of shots, is part of his dismissal of the objective, permanent, and fixed construction of nature in favor of its subjective, ephemeral, and vibratory perception, which takes into account human nature and its finitude. When the abstract character of his photographs is evoked, Eric Bourret answers that he feels “much closer to Joan Mitchell and Philip Guston dealing with Monet’s water lilies than to Caspar David Friedrich and his seas of mists.”20 His photographs point to a conceptualization of the world in mass and movement, and summons up the period from the 1950s to the 1970s when so many painters were asking the same question, like Judit Reigl, who made it the title of one of her “mass writings”, Comment faire danser un carré [How to make a square dance] (1964) as if there were nothing worse than inertia.

Disconnections and white cubes

The photographs by Éric Bourret and the works of the other artists we have mentioned establish a tension with the figurative approach, even though the highest peaks, like the moon, have now become places that are being constantly scrutinized by increasingly powerful imaging systems. Today, it is possible to take a virtual walk everywhere in the world with the help of Google Street View. Soon, it will likely be possible to walk the remote paths of the Himalayas; Google has already placed cameras on boats descending Amazonian rivers, on dromedaries crossing deserts, and even on a snowmobile to capture the course of the ski slopes. For now, we can look on Google Maps and see thousands of “photo-spheres” of the Himalayas that are compilations of photos that users have taken along the trails and at encampments at several kilometers of altitude and then uploaded to the site.
Éric Bourret’s photographs are formally opposed to the internet’s magnificent three-dimensional panoramas. Yet, they raise the question of whether it is possible to extract oneself from the shared world without using the shared world and, notably, its technologies (one recalls the criticism addressed to Yann Arthus-Bertrand for his carbon footprint). Is it still possible today to reach a zone beyond the human, or is this a form of myth-making that places certain artists in the role of the hero? While walking in the “white world” of the museum’s white cube, the gaze hovering over a few black squares, it is indeed the transcendence of ourselves that we have come to seek.

Jean-Rémi TOUZET, 2021

1 “Claude Debussy”, Dictionnaire de la musique, edited by Marc Vignal, Larousse, 2017
2 Éric Bourret as quoted by Christophe Asso, “Éric Bourret. Les bruissements du monde” online document, photorama marseille, published 5 April 2020, URL: photorama-marseille.com/eric-bourret-les-bruissements-du-monde/
3 Excuse me, while I kiss the sky is the title of a series, dated 2010-2011, of large format prints (145x175cm) of photographs of skies taken in India and the Himalayas
4 Kazimir Malevich, “Du cubisme et du futurisme au suprématisme. Le nouveau réalisme pictural” (1916), in Kazimir Malévitch, Écrits, Paris, Éditions Allia, 2015, p. 65-66
5 Kazimir Malevich, Le Suprématisme: le Monde sans-objet ou le Repos éternel, Éditions InFolio, “Archigraphy”, 2011, p. 377-378
6 Kazimir Malevich, Le Suprématisme 34 dessins (1920), quoted by Jean-Claude Marcadé, “Le Carré, le Cercle, la Croix, le Noir et le Blanc – ou le surgissement suprématiste de l’espace du monde”, 3 April 2015, URL: vania-marcade.com/les-clefs-dune-passion-malevitch/
7 Ibid.
8 The re-reading of abstraction from its symbolist and spiritualist sources, notably theosophy, which was initiated in the 1960s by the works of Robert Welsh on Piet Mondrian and Sixten Ringbom on Wassily Kandinsky, was the subject of the 1986 exhibition “The Spiritual in Art: Abstract Painting 1890-1985”, organized by Maurice Tuchman at the Los Angeles County Museum of Art. See Pascal Rousseau, Serge Lemoine (ed.), Aux origines de l’abstraction, 1800-1914, Musée d’Orsay, 2003-2004, and Arnauld Pierre, Pascal Rousseau, Abstraction, Éditions Citadelles & Mazenod, 2021
9 Goethe’s Theory of Colours (his color wheel) was re-evaluated by Rudolf Steiner, with whom Hilma af Klint was in contact in the early 1920s. See Hilma af Klint, une modernité révélée, Centre Culturel Suédois, 2008, and the article by Pascal Rousseau, “Hilma af Klint, une peinture inspire”, p. 11-16
10 Éric Bourret, quoted by Marie Renoue in “Expériences de paysages. En deçà et au-delà du visible” in Éric Bourret. Hun-Tun, Lyon, Éditions Fage, 2008
11 Éric Bourret, quoted by Léon Mychkine in Entretiens téléphoniques, mai-juin 2020, URL: art-icle.fr/entretien-avec-le-photographe-eric-bourret/
12 “For me, the photographic image is a receptacle of form, energy and meaning. It binds experiences […]”, Éric Bourret, quoted by Léon Mychkine in Éric Bourret, l’affordance du paysage, June 2020, URL : art-icle.fr/eric-bourret-laffordance-du-paysage/
13 William Henry Fox Talbot, The Pencil of Nature, 1844-1846, Longman, Brown, Green & Longmans, London
14 Léon Mychkine, Entretiens téléphoniques, mai-juin 2020, op. cit.
15 Éric Bourret, quoted by Christophe Asso, op. cit.
16 Ibid.
17 Théophile Gautier, Les vacances du lundi. Tableaux de montagnes (1862), Éditions Champ Vallon, coll. Dix-Neuvième, 1994, p. 166, quoted by Pierre-Henry Frangne in “L’image déhiscente. Gautier et la photographie de montagne des frères Bisson”, Études photographiques, Société française de photographie, n°25, May 2010, p. 4-5
18 Gerhard Richter, “Interview par Benjamin Buchloh 1986”, Text. Writings, Interviews and Letters 1961-2007, Thames & Hudson, London, 2009, p. 175 : “Those were done when I no longer felt like doing the figurate photo-pictures, and wanted a change from the unequivocal statement, the legible and limited narrative. So I was attracted by those dead cities and Alps which in both case were stony wastes, arid stuff. It was an attempt to convey content of a more universal kind.”
19 Dario Gamboni, Potential Images. Ambiguity and Indeterminacy in Modern Art, Reaktion Books, UK, 2002
20 Léon Mychkine, Entretiens téléphoniques, mai-juin 2020, op. cit. A discussion of the treatment of water lilies in American painting, which Éric Bourret refers to. See the catalog of the exhibition organized by Cécile Debray at the Musée de l’Orangerie, Paris, Water Lilies. Nymphéas. L’abstraction américaine et le dernier Monet, co-published by the Musée d’Orsay and the Réunion des musées nationaux-Grand Palais, 2018.