Qui souhaite évoquer le vide tout autour de la Terre n’a guère d’embarras, ciel, le mot bref, sans relief, s’impose. Comme l’enfant remplissant le haut de sa page en bleu, chacun y retrouve l’étendue qui appelle le regard, pour peu qu’on lève la tête, histoire de contempler son immensité, donnée immédiatement. Mais il arrive parfois que la langue réserve des surprises. Si recourir au mot ciel relève d’une sorte d’évidence, glisser du côté de la pluralité en mentionnant des ciels, a fortiori des cieux, oriente la pensée sous d’autres horizons. De l’un vers le multiple, la conséquence n’est plus bonne. On sent qu’elle vient de bifurquer. Rien d’étonnant puisque, une fois délivrés du ciel, si l’on peut dire, les ciels peuvent adopter plus d’une allure. Ceux du météorologue ne recouvrent ni ne rencontrent les ciels des astrologues, pas plus que ceux des paysagistes n’enveloppent les cieux qu’invoquent les théologiens. Là comme toujours, le choix du mot, selon son inflexion, n’a rien d’anodin. Car tels qu’ils se disent et se pensent, les mots font advenir les variations des mondes. Si bien que le genre ou, comme ici, le nombre restituent peut-être moins la chose qu’on croit nommer qu’ils ne font surgir ce qui la soutient tacitement, par-delà toute vision. On peut alors se demander ce qu’on voit, et ce dont on parle en vérité.
Éric Bourret est photographe. Il fait depuis des années ce que suppose cette activité. Il pense et produit des images. Le motif de celles qu’il nous livre ici renvoie à ce qu’on pourrait nommer à juste titre le ciel puisqu’on reconnaît, rendue dans des formats considérables, stupéfiants de beauté, la somme de ses attributs : le vide, les nuées, complexes, laiteuses souvent, venant aléatoirement le combler, et en leur centre, énigmatique poinçon, la lumière focale d’un astre.
Mais Éric Bourret est aussi — sinon d’abord, sinon surtout — un marcheur, c’est-à-dire quelqu’un qui ne cesse d’aller ici et là, de se déplacer, de parcourir infatigablement des territoires, souvent lointains, l’œil grand ouvert. Et ce photographe est de surcroît, il faut le savoir, un marcheur d’altitude. Rien d’anecdotique ici, bien au contraire, car c’est sans doute sous le rapport de cette action particulière, la marche en haute montagne, très ancienne chez lui, qu’il nous faut aussi approcher, voir, regarder, contempler ses photographies. Vain est alors l’effort de distinguer ce qui, chez cet artiste, procède d’une recherche qu’on dirait seulement esthétique de ce qui relève d’une mémoire de l’expérience physique, celle qui engage la matérialité corporelle du sujet qu’il devient en traversant l’espace des hauteurs, planté sur ses deux jambes, coeur battant, respirant. Parce que nous n’avons pas affaire d’un côté à l’homme technicien muni de cette prothèse optique qu’est l’appareil photographique et de l’autre à un homme équipé et chaussé comme doit l’être l’arpenteur amateur des névés, des séracs, des landes brûlées par la gelée, des sommets. Non seulement tout est ici inextricablement associé, la vision comme la marche, tout reste corrélé, mais le spectateur ne tarde pas à saisir que ces deux dimensions, lesquelles attestent avant tout une manière d’être au monde, une quasi éthique, se nourrissent l’une l’autre, ne cessent de s’appeler mutuellement. En regardant ces photos nous devinons sans peine que ces modes d’action conspirent, que la puissance des images issues de ces courses solitaires et lointaines se réclame précisément de cette alliance vécue.
Compte-tenu de cette double singularité, celle d’une posture d’être comme celle des effets plastiques qu’elle autorise, l’objet dont ces images témoignent est-il finalement bien ce qu’on croit ? Lorsqu’en marchant il parcourt ces espaces, lorsqu’il dirige l’objectif vers là-haut, et que l’index déclenche, Éric Bourret photographie-t-il simplement le ciel, comme on a pensé pouvoir l’affirmer d’entrée de jeu ? Et s’il donnait justement à voir ce que le signifiant ciel peine à embrasser ? Si, au bout du compte, ses images exposaient autre chose que cette « chose » qui surplombe le marcheur ? Pour risquer une réponse, il faut patienter et commencer par regarder un peu mieux. C’est-à-dire un peu plus. Plus longtemps. En espérant que la contemplation convoquera peut-être, petit à petit, davantage qu’une réalité générique, celle du ciel, celle des ciels, voire même, en dépit de son lest théologique, celle des cieux. Pour éviter en tout cas de ranger les images sous ces catégories trop vagues, il faut aussi revenir à ce qui constitue l’expérience du marcheur-photographe, celle du « piéton d’altitude », ainsi que Bourret désigne l’humain si singulier qu’il devient plusieurs mois chaque année.
Ici, comptent avant tout les circonstances, les conditions, les causes pratiques de l’action. C’est-à-dire l’ensemble des déterminations empiriques de cette drôle d’aventure. Voudrait-on approcher le sens de cette démarche artistique, trois points méritent sans doute d’être rappelés. Il faut savoir pour commencer que ces photos ont été prises non seulement en montagne mais à très haute altitude, entre 4000 m et 6500 m, dans la région du Ladakh ou du Zanskar, non loin des régions frontalières de la Chine et du Pakistan. Images d’un ailleurs extrême, marqué par la raréfaction — celle de l’air, du vivant, de toutes ces choses inertes qui néanmoins font monde — et par une intense condensation — celle de la lumière, des grands aplats d’une matière silencieuse abrasée par le froid et le soleil, déchirée par des pics et des arêtes qui donnent le vertige. Photos venues du « Toit du monde », comme on dit. Quel que soit leur aspect, toutes les photos ont en outre été prises le matin ou bien l’après-midi. Malgré l’obscurité qui leur confère l’étonnante et paradoxale puissance de la nuit, il s’agit de ciels certes profonds et sombres mais diurnes chaque fois. Dernière précision, non la moindre, Éric Bourret insiste sur le fait que la prise de vue s’effectue toujours pendant la marche. Ce qui signifie, d’une part, que c’est bel et bien chemin faisant que le « motif’ » se propose à lui, invite au cadre, à la saisie, toujours ici et maintenant, et, d’autre part, que l’image doit tout à la surprise d’un dehors s’exposant à un moment précis. Moment qu’il faut, pour en estimer la valeur, envisager comme un marqueur de la durée vécue d’une conscience en mouvement.
Il a été déjà beaucoup dit de ce que permet la marche, de ce qu’elle provoque. Nous savons combien cet acte naturel, élémentaire, de l’animal bipède que nous sommes devenus agit parfois sur cet autre qui l’est bien moins en nous, l’acte de penser, singulièrement stimulé sous l’élan reconduit du marcheur résolu. Dans ce cas, le seul fait de marcher s’apparente à un exercice spirituel, lequel n’a, semble-t-il, pas d’autre fin que l’effet qu’il produit sur quiconque s’y consacre. Il va de soi qu’on songe alors à ce qu’ont écrit à ce sujet Rousseau, Nietzsche ou encore Thoreau. Plus près de nous, on se souvient aussi de la méditation du philosophe-alpiniste que fut Henri Maldiney sollicitant dans une de ses analyses la figure du « Wanderer » qu’est le Zarathoustra de Nietzsche : « Je suis un voyageur, un grimpeur de montagnes […] Quoi qu’il puisse encore m’arriver comme destin à vivre, il y aura toujours là-dedans un voyage et une ascension » . En somme, si on s’en tenait là, il n’y aurait aucun obstacle au fait d’inscrire l’activité et le travail d’Éric Bourret dans cette filiation. On le ferait d’autant plus facilement qu’il reconnaît pour sienne l’ascèse qu’implique la marche en haute montagne en raison de la difficulté, sinon de l’âpreté de l’expérience. Pour autant, l’originalité de sa recherche que les photographies, l’une après l’autre organisées selon de subtiles lois sérielles, mettent au jour, invite à s’interroger davantage dans la mesure où, regardant ses images, une question inattendue se lève maintenant. Nativement frappée de mutisme, la photographie ne pose nulle part cette question. Rien n’interdit de penser toutefois que son énoncé pourrait pour ainsi dire rejoindre le bruit de fond de la marche. Elle deviendrait quelque chose comme la « basse continue » du photographe, porté sur le chemin par sa hantise. Alors essayons de la formuler, sans offusquer ni trahir l’intuition, avec précaution mais sans fausse honte. De façon presque naïve, en demandant : « Où commence le ciel ? »
S’il n’est pas exclu que cette question résume à sa manière un des enjeux du travail d’Éric Bourret, c’est qu’elle paraît traverser, comme en sous-main, chacune des images dont il est l’auteur. Comme si elle nous indiquait un des mobiles de son action. La question « où commence le ciel ? » est de celles en effet qui, pour trouver une réponse, ordonnent qu’on se lève sans tarder, qu’on aille y voir, qu’on se mette en route, qu’on emprunte parmi d’autres le chemin le plus abrupt, celui qui deviendra le vecteur d’une lente et patiente équipée. Provocatrice et cependant fondée depuis que pour nous la notion de ciel a déserté la « sphère des fixes », ainsi que la concevaient les Grecs, la question ouvre sur un vide. Son point d’appui, renouvelé et aussitôt nié, n’est autre que celui qu’occupe la surface dérisoire et pourtant décisive de la plante d’un pied. Sans crier gare, cette question se pose comme on ferait un pas.
On a dit qu’Éric Bourret est un photographe-marcheur — et réciproquement —, il faut maintenant préciser que lors de ses expéditions, chacune de ses journées lui impose de parcourir entre 20 et 30 kilomètres dans des conditions telles qu’on imagine sans mal combien son corps se trouve mis à l’épreuve. Marcher des jours durant produit vite des effets notables, surtout sur la façon de percevoir et de concevoir le réel. Le photographe ressent, connaît, recherche tout autrement. Il sait qu’il doit perdre ses repères et, paradoxalement, espère en tirer profit. Au fil du temps, l’effort physique, la fatigue, le manque d’oxygène deviennent les conditions propices à l’expérimentation d’un mode de penser non seulement inenvisageable dans un autre contexte mais étrangement fécond. De proche en proche, porté par ces transformations, progressant avec l’obstination de l’enquêteur, le marcheur-photographe cherche à rejoindre les zones de crêtes. Ces zones-là sont en effet celles où le rapport à la Terre s’avère le plus réduit et le moins rassurant. Elles circonscrivent le site où ce rapport cesse presque d’en être un. Une fois atteintes, voilà qu’on se met à imaginer le ciel à portée de main, pour ainsi dire. Comme si ce dernier se changeait enfin en une réalité à bout touchant, démentait justement le caractère intangible de ce que le mot désigne. D’une certaine façon, les photographies d’Éric Bourret témoignent tout à la fois de cette quête, de cette illusion qui consisterait à croire pouvoir approcher l’inapprochable et, dans le même temps, du renversement de ladite illusion. Car se demander « où commence le ciel ? » est en vérité une question aussi nécessaire que rhétorique. Elle n’est jamais l’antichambre d’une conviction. Car sauf à croire à l’existence des cieux, nul ne peut prétendre atteindre le ciel. Et sauf au nom d’une fausse innocence, revers d’une lubie consolatrice, chacun sait bien que nous n’y serons jamais, que le ciel ne commence nulle part, qu’il ne connaît ni prologue ni fin, qu’il est le non-lieu par excellence, puisqu’en lui ne s’expose qu’une démesure en acte. C’est ainsi que le ciel se donne pour ce qu’il est, une figure de l’infini.
Reste qu’il y a bel et bien quelque chose à voir, là, pile au-dessus de nos têtes. Ni un étant, à proprement parler, ni un néant, mais un vide positif, effrayant pensait Pascal, et cependant « plein d’attention », comme dit Rilke, car en lui « la terre raconte » . De sorte que, sous cette dernière condition, ciel n’est plus le nom d’une chose mais celui d’une possible écoute. Voilà au bout du compte ce que les photographies d’Éric Bourret exposent. Elles le font magistralement et ne font que ça. La chromie délicate, pleinement assumée, des nébulosités, les étonnantes et discrètes valeurs d’ocre ou de bleu qui prêtent au noir sa précieuse densité, motif d’une vibration à la limite du perceptible, sont autant de preuves que le ciel en tant que tel n’existe pas, sauf à s’offrir comme l’image insistante de ce qui se fait et se défait, invite ainsi l’être à dépasser son ancrage statique, à se mettre en route, à se porter précisément là où rien ne l’appelle sinon l’appel lui-même. Procédant d’un désir d’abandon, le mot et son idée, tous les deux évasifs, orientent le regard de qui ose et va, corps et pensée promis à une forme de renaissance. Contrairement à ce qui nous saisit d’emblée, nous qui sommes toujours pressés de ne pas voir, sans doute faut-il maintenant convenir que du ciel, Éric Bourret n’a peut-être jamais rien photographié. Mais ce rien-là est consistant au point d’avoir exigé la mise au jour scrupuleuse d’une série indéfinie pour que s’anime en lui l’insolite jeu dialectique du singulier et du pluriel. Pour y parvenir, il a fallu que le marcheur se rende, encore et encore, infatigablement, en ce lieu qui n’en est pas vraiment un. Il a fallu qu’il se tienne sur cette limite incertaine de la Terre que dessine la crête, là où soudain on se retrouve au plus haut, là où sans un mot quelque chose « se raconte ».
Pierre PARLANT, 2021
Livre / Flux / Arnaud Bizalion éditions, 2021
Exposition / Centre de la Vieille Charité, Marseille / octobre 2021, février 2022
UP THERE IN THE SKIES
If you want to talk about the void that surrounds the Earth, you don’t have a lot of choice. A short, unprepossessing word stands out: “sky”. Like the top of a page colored blue by a child, this is a broad expanse that appeals to perception if one just raises one’s eyes for a moment to contemplate that immediate immensity. Language sometimes has surprises in store for us. The word “sky” may seem self-evident, but the transition to a plurality of “skies” directs thought towards other horizons. The shift from the singular to the plural is far from obvious. You sense a bifurcation. Still, there’s nothing surprising about this: once delivered from the “sky”, so to speak, “skies” can adopt more than a single, exclusive aspect. Those of the meteorologist don’t overlap with, or encounter, those of the astrologer, any more than those of the landscape painter encompass the heavens of the theologian. Here, as always, the choice of a word, according to its inflection, is far from neutral. Words, spoken or thought of, summon up variant worlds. And category, or, as in this case, number doesn’t necessarily denote the thing you assumed you were naming. Rather, it expresses the determinations that tacitly sustain it, beyond vision. And you have to wonder what you’re seeing; and what, indeed, you’re talking about.
Éric Bourret is a photographer, in that for years he’s been doing what this implies. He conceives, and produces, images. The motif, in this case, makes reference to what might rightly be called “sky”, given that, in impressive, stupefyingly beautiful formats, the sum of its attributes can be recognized: emptiness, but also the complex, diaphanous clouds that randomly occupy it. And at their heart, there’s an enigmatic hallmark: the focal light of a star.
But Bourret is also, if not firstly, or essentially, a walker, in other words someone who moves unceasingly, open-eyed, indefatigably, over territories that are often distant. And what’s more, he’s a high-altitude walker. Which isn’t just incidental. Quite the contrary, it’s in relation to this habitual activity – walking in the mountains – that we have to approach, see, look at, ponder on the photographs. It would be vain to try distinguishing between that which stems from research seen as solely aesthetic and that which has to do with a memory of physical experience; which involves the corporal materiality of the subject Bourret becomes, in the course of traversing the heights, sure-footed, heart thumping, breathing heavily. Or, to put it another way, we’re not looking at, on the one hand, a “technicist” using an optical prosthesis – a camera – and, on the other, someone equipped with the paraphernalia proper to the amateur explorer of seracs, firn, frost-scorched uplands, summits. The seeing and the walking are inextricably linked. Everything’s correlated. But we also realize, right from the start, that the two dimensions attest to a way of being in the world, a sort of ethos, and that they continuously echo each other. Looking at the photos, we understand that these modes of action operate jointly; that the power of the images resulting from solitary, remote voyages derives from, and is precisely affirmed by, this lived alliance.
Given the double singularity of a certain existential stance and the aesthetic effects it legitimizes, is it the case that these images actually, finally, stand for what we think? As he strides out, lens tilted upward, finger on the shutter, is Éric Bourret simply photographing the sky, as might have been supposed at the outset? What if he were showing something that the banal signifier “sky”, by itself, cannot readily denote? What if, in the end, his images were showing something other than this “thing” that overshadows the walker? To hazard an answer means having to be patient, and to look a little more closely. A little more, in sum. A little longer, hoping that, gradually, contemplation may evoke something other than a generic reality: that of the sky, that of the skies; or, in spite of its theological connotation, that of the heavens. If we are to avoid forcing these images into excessively general categories, we need to revisit, for a moment, what characterizes the experience of the photographer-walker, or the “altitude pedestrian”, as he describes the kind of singular human being he turns into for several months each year.
Here, the circumstances, the conditions, and the material causes of action are what really count; and in this case, above all, the empirical components of the adventure itself. In order to grasp the sense of this artistic leaning, there are three salient points. To begin with, these photos were taken at between 4,000 and 6,500 meters above sea level, in Ladakh or Zanskar, not far from the Chinese and Pakistani borders – an extreme “elsewhere”, so to speak, marked by rarefaction (that of air, life, and all those inert things that nonetheless combine to make a world) and intense condensation (that of light, broad planes of silent matter abraded by cold and sun, lacerated by dizzying peaks and crests). They come from, in the time-honored phrase, the “roof of the world”. Then there’s the fact that, whatever their immediate appearance, they were all taken either in the morning or the afternoon. In spite of the darkness that confers on them the strong, paradoxical power of night, these deep, somber skies are diurnal. And, last but not least: Bourret insists on the fact that the images were taken while walking; so that on the one hand, it was in motion that the “motif” came to him, inviting framing and capture, always here and now; and on the other hand, if the value of the images is to be properly gauged, it must be recognized that they owe everything to the surprise of an exteriority revealed at a precise moment, perceived as a marker of experienced duration: consciousness in movement.
Much has been said about what the act of walking engenders, and what it initiates. We know how this natural, and, so to speak, “elementary” act, performed by the bipedal animals we are, sometimes has effects on another act that’s much less present in us, namely cognition, as induced by the tread of the resolute walker. It suggests a spiritual exercise with no aim other than the effect it produces on itself, i.e. on the walker who practices it. This naturally brings to mind Rousseau, or Nietzsche, or again, Thoreau. And closer to our own day, we might recall a meditation by the alpinist-philosopher Henri Maldiney on Nietzsche’s Zarathustra: “I am a wanderer and mountain-climber […] And whatever may still overtake me as fate and experience – a wandering will be therein, and an ascension”.1 And even if one were to go no further than that, it would be easy to situate Éric Bourret’s activity and work within this lineage; the more so as he himself identifies with the spiritual ascesis implied by walking in the mountains for the sake of the difficulty itself, if not the harshness. But the originality of the research revealed by his photographs, one after another, arranged according to subtle serial laws, invites us to go deeper, given that an unexpected question arises, though in fact it’s never explicitly asked. Photography is essentially mute. One can’t help seeing the question as a “basso continuo” of a photographer carried along by dread. We might attempt to formulate it without offending or betraying the insight, and cautiously, but without false shame, asking, almost naively: “Where does the sky start?”
It may be that this question summarizes, in its way, one of the issues involved in Bourret’s work, in that it seems, however surreptitiously, to traverse each of his images. As though it indicated one of the motivations of his action. And the question “Where does the sky start?” is one which, if it’s to be answered, demands that we instantly take, among others, the steepest path, which will become the vector of a slow, patient escapade. Provocative, but well-founded since the point where the idea of “sky” became detached from what the Greeks saw as the “sphere of fixed things”, this question opens onto a void. Its fixed point, no sooner renewed than denied, is a derisory yet decisive surface – the sole of a foot. Without warning, this type of query arises, in the same way that a step might be taken.
It has been said that Éric Bourret is a walker-photographer. And vice versa. It should be pointed out that during his expeditions he covers between 20 and 30 kilometers a day, in conditions whose severity can readily be imagined. This produces profound effects, and especially with regard to one’s perception, and conception, of reality. Bourret feels, knows, seeks in a different way, aware that he has to lose his bearings, while hoping, paradoxically, that he can turn this to his advantage. Physical effort, fatigue, and lack of oxygen become, over time, favorable to a mode of thinking that wouldn’t just be unimaginable in any other context but is also highly productive. Here and there, carried along by these transformations, and advancing with the obstinacy of an investigator, the walker-photographer lays claim to mountainous ridges. In such zones, one’s relationship to the Earth is at its most restricted, its least reassuring; where this relationship almost ceases, in fact, to exist. The sky appears, as it were, close at hand, as though turning into a reachable reality, were it not for the eternally intangible character of “sky”. In a way, Bourret’s photographs bear witness to this quest, this illusion that implies believing oneself capable of approaching the unapproachable. And at the same time, it dissipates illusion. The question “Where does the sky start?” is, in truth, as necessary as it is rhetorical, never the threshold of a conviction. Unless you believe in the existence of skies, you can’t hope to reach the sky. And except in the name of false innocence, as the obverse of a consoling caprice, you’re aware you’ll never get there. The sky starts nowhere. It has neither prologue nor end. It’s the quintessential non-place, tantamount only to active excess. The sky yields itself up for what it is – a figure of the infinite.
It remains the case that there’s something to be seen, right above our heads. Neither a “being”, strictly speaking, nor a “nothingness”, but a positive void. For Pascal, it was fearful. For Rilke, it was “full of attention”, because within it “the earth recounts”.2 And on this condition, “sky” is no longer the name of any specific thing, but that of possible attentiveness; which, in the end, is what Éric Bourret’s photographs manifest, in magisterial fashion. That’s exactly what they do. The clearly-proclaimed chromatic delicacy of the nebulosities and the surprising, discreet values of ochre and blue give the blackness a precious density, along with the motif of a vibration that verges on the imperceptible. These are elements of evidence that the “sky” doesn’t exist as such, except as an enduring image of what is made and unmade, exhorting existence to transcend stasis, to finally begin moving, and to go, precisely, to where nothing summons it, other than the summons itself. Proceeding from a desire for abandonment, the fact is that words and ideas, in their evasiveness, orientate the eyes of those who dare, with bodies and minds that set out towards a possible renaissance. Notwithstanding what strikes us at the outset, given our habitual reluctance to see, it may now, perhaps, be agreed that Éric Bourret has never photographed anything at all of the “sky”. But this “never” is consistent in requiring the scrupulous updating of an indefinite series that allows the singular and the plural to form an internal dialectic. Which means returning, again and again, to a place that’s not really a place, standing on an uncertain boundary of the Earth marked by a ridge, suddenly, “up there in the sky”; where, without a word, something, finally, is “told”.
Pierre PARLANT, 2021
Livre / Flux / Arnaud Bizalion éditions, 2021
Exposition / Centre de la Vieille Charité, Marseille / octobre 2021, février 2022