PANGAEA

2016-2021

LA PULSATION DU MONDE - Photographie et expérience du mouvement dans l’œuvre d’Éric Bourret

Photographe arpenteur, ainsi qu’il aime à se présenter, Éric Bourret situe l’expérience de la déambulation au cœur de son travail. Les œuvres qu’il réalise depuis près de trois décennies procèdent pour la plupart d’explorations solitaires au sommet de l’Himalaya, au sein des forêts primaires de Macaronésie ou sur les étendues volcaniques islandaises. Le protocole de leur production en est presque systématiquement le même. Plus de six mois par an, Bourret marche. Au terme de plusieurs jours d’un parcours méticuleusement préparé, alors qu’il éprouve pleinement son terrain, il débute un patient travail de prise de vue, progressivement augmenté à mesure qu’il se déplace. Nulle approche documentaire ou pittoresque cependant sur les images résultant de ces incessants parcours, pas plus que la moindre tentation sensationnaliste à laquelle pourraient cependant l’inciter ses territoires de prédilection. Les photographies de Bourret relèvent au contraire d’une indéniable modestie. Elles détiennent surtout une forte dimension méditative qui procède de leurs effets de nébulosité visuelle, de leur aventureux travail de déstabilisation des rapports d’échelle et de leur forte plasticité vibratoire, souvent jusqu’à l’abstraction. S’immerger dans leur délicatesse intense, au gré des séries qu’elles composent comme au long des trajets ritualisés qui les ont vu naître, confère à l’expérience poétique. Elle consiste, selon les termes du photographe lui-même, à traverser comme à être traversé tout à la fois par le paysage et ses innombrables frémissements.

Ce parti pris octroie une place singulière à Éric Bourret parmi les photographes contemporains, si bien que l’on peine à le situer au cœur des nombreuses recherches dévolues au paysage depuis une trentaine d’années, aussi bien par les artistes eux-mêmes que par les critiques qui se sont intéressés au sujet (1).
Certes, le jeu du comparatisme cher à l’histoire de l’art détermine certaines pistes stimulantes. Ainsi, la proclamation de l’autonomie esthétique de l’élément naturel par-delà tout réalité topographique, sensible chez Bourret, n’est pas sans lien avec les travaux de Walter Niedermayr depuis les années 1980. La parenté de traitement entre les matières neigeuses et minérales quasi monochromes de la série Dans la gueule de l’espace (2009-2014) avec Vedretta Piana III, ensemble de trois photographies que Niedermayr réalise en 1999, pourraient suffire à le démontrer. L’intérêt de Bourret pour la potentialité plastique propre au terrain végétal, par exemple dans la série Primary Forest (2016-2019), est un autre aspect que l’on est tenté de rapprocher des Mnémographies, La géographie du feuillage, d’Holger Trülzsch (1982). L’approche atmosphérique d’un Darren Almond ou de Elger Esser de même que l’écriture profondément picturale de Tania Mouraud offrent d’ultimes points de comparaison qu’il n’est pas sans intérêt de rapprocher des séries Perpetuum mobile (2005), Venise-Envies (2013) ou Sainte-Victoire (2015). Toutes en effet convergent dans un trouble ontologique qui tend à les confondre avec des images dessinées, peintes ou gravées. Or si elles nous séduisent, ces parentés trahissent surtout une culture commune à l’ensemble de ces artistes qu’il faut faire remonter aux prémices de la photographie, jusqu’aux marines de Gustave Le Gray que Bourret cite parmi ses premières références. Elles n’en demeurent pas moins réductrices quant à l’exigence singulière de son écriture photographique. Pour mieux l’apprécier, il est en fait judicieux de déjouer quelque peu les taxinomies propres à l’histoire de la photographie, pour ouvrir le champ de la seule iconicité et intégrer à la réflexion la dimension gestuelle des recherches de Bourret, leur épaisseur physique, mais aussi sensorielle et psychique. Dès lors, suivant les références revendiquées par l’artiste lui-même, on s’intéressera moins ici à l’histoire et aux pratiques contemporaines de la photographie qu’aux relations de son travail avec des champs de la création relevant des registres de la performance, de l’art conceptuel et du land art.

Image et mouvement, de la performance au land art

Ce choix implique d’abord de revenir à l’importance que Bourret octroie à la déambulation et à la myriade de processus intimes qui en découlent au cœur même de son travail. Celles-ci orientent naturellement la production photographique depuis les premiers développements du paysage, au gré des progrès de portabilité et de solidité du matériel. Les comptes-rendus des célèbres excursionnistes marseillais depuis la fin du XIXe siècle, mais aussi les photographes de la délégation interministérielle à l’Aménagement du territoire et à l’Attractivité régionale (DATAR) après les années 1960 en portent le témoignage. En revanche, chez Bourret comme chez aucun autre photographe, la procédure photographique se voit fortement décuplée : elle s’envisage comme une expérience multiple, non pas tant visuelle ou intellectuelle que pleinement sensorielle. L’image telle qu’elle apparaît aux yeux du spectateur ne saurait être comprise comme une mise à distance objective du paysage, c’est-à-dire comme le résultat d’une coupe dans le temps et le visible du paysage que suppose pourtant la capture photographique. Bien au contraire, elle apparaît comme la cristallisation d’une expérience introspective totale, à la fois résultat et réactivation rétrospective d’un feuilletage de micro phénomènes internes conditionnant et les moyens de la production iconographique et ses dispositions visuelles. Fatigue, froid, isolement, sueur, perte de repères dans l’espace ou dilatation du temps – douleur parfois – sont autant de paramètres propres à l’expérience de la déambulation que Bourret érige comme partie intégrante de son œuvre. Ce choix le distingue irrémédiablement des personnalités précédemment citées ; il pousse à un degré d’achèvement jusqu’alors inédit des réflexions comparables menées par d’autres photographes, tel Gilbert Fastenaekens. Pas de transfiguration romantique ni de sublime cependant. Bien plus qu’à un Caspar David Friedrich, Bourret s’apparente à Francis Alÿs lorsque celui-ci propose de « faire œuvre » de ses pratiques résolument modestes de l’errance, du déplacement ou de la flânerie. Sometimes Making Something Leads to Nothing, performance célèbre qui vit Alÿs déplacer un bloc de glace dans les rues de Mexico pendant près de sept heures en 1997 – jusqu’à ce que celui-ci soit complètement fondu –, apporte un éclairage à ce propos en ce qu’il consacre presque exclusivement la force de l’action, jusqu’à suggérer sa primauté sur le résultat, tout en érigeant aussi le temps de réalisation de l’œuvre au titre d’un objet artistique en propre. Bien que préservant toute sa place à la matérialité photographique, plusieurs séries produites par Bourret telles Dans la gueule de l’espace ou Primary Forest, précédemment citées, mais encore Hot Spot (2020), portent les traces d’une pensée analogue, jusque dans la rigueur du protocole qui a orienté leur production. En superposant plusieurs prises de vue sur un même champ photographique au gré de ses déambulations – six, parfois jusqu’à neuf fois – Bourret encapsule plusieurs temporalités successives au sein de l’image. L’aspect de plasticité à la fois vibratoire ou quasi cinétique qui en découle convoque et compile en même temps l’expérience de la marche ;

Réceptivité du paysage, un tohu-bohu photographique

Les artistic walks d’Hamish Fulton depuis les années 1970, fréquemment convoqués par Bourret, de même que les déambulations paysagères d’Andy Goldsworthy et d’autres artistes du land art, sont à inscrire à ce même chapitre3. Ils offrent surtout d’aborder un autre aspect de sa pratique. Pour lui comme pour ces derniers, en effet, la marche est un moyen privilégié d’élargir le spectre de la réceptivité du paysage. Elle est un protocole d’activation de la subjectivité artistique dont l’enjeu véritable consiste à embrasser le paysage de façon plus ample. Alors qu’il traverse l’Himalaya, l’Islande ou les forêts primaires, de même lorsqu’il revient inlassablement sur la montagne Sainte-Victoire, Éric Bourret vise à faire coïncider l’énergie tellurique des lieux qu’il arpente avec les vibrations infimes de son propre organisme. Le titre de la série Excuse me, while I kiss the sky (2011), dont on saisit la subtile référence à Jimi Hendrix, est éloquente quant à cette approche éminemment sensuelle et quasiment fusionnelle avec l’élément naturel. C’est dans la symbiose entre macrocosme et microcosme, résultante de l’arpentage et de ses corollaires physiologiques et spirituels, qu’adviennent et la perception et l’image photographique. Prises de vue au sol, déstabilisation des perspectives paysagères, trouble des rapports d’échelle caractéristique des recherches formelles de Bourret sont peut-être le fruit d’une expérience proche de l’hallucination ou peut-être de la magie, ainsi qu’il l’explique lui-même. Elles sont surtout le signe d’une quête, celle d’un réseau d’énergies complexes et potentiellement contradictoires que le photographe entend déceler dans le paysage et dont l’image doit devenir la retranscription vibrante. En marchant, jusqu’à envisager une confusion de lui-même avec l’élément naturel, Bourret requalifie la notion même d’agency : se défaisant de sa propre culture visuelle, il fait intervenir un processus créatif non-cérébral, à la fois organique et hautement fluctuant, partagé entre l’homme et son milieu naturel.
La présentation conjointe des photographies qu’Éric Bourret a consacrées à la montagne Sainte-Victoire avec une œuvre de Richard Long, proposée par l’Espace de l’Art Concret de Mouans-Sartoux en 2019, traduit parfaitement cette analogie entre ses recherches et celles des land artists. Bourret, comme Long, tendent à ramener jusqu’à nous l’énergie créative – la natura naturans – dont le paysage est le témoin. Leurs travaux convergent dans un processus de laisser-faire du paysage qui n’exclut pas le hasard, l’accident ou le muable pour atteindre, par-delà le visible, un principe premier qui s’apparente, selon les propres termes de Bourret, à un « Chaos originel chrétien ou […] un tohu-bohu biblique hébraïque » qui déborde du visible. Les coulures, les gonflements et les grouillements à la surface des photographies d’Éric Bourret rendent compte visuellement de ce débordement constant du naturel. La série Cradle of Humankind, réalisée en Afrique du Sud entre 2009 et 2016 autour des traces laissées par les hominidés à la surface du sol, résulte d’une curiosité comparable pour l’originel et ses télescopages jusque dans le présent. Le flux, encore, que l’installation d’une grande photographie du ciel disposée au sol dans la chapelle du Centre de la Vieille Charité, face à la vertigineuse coupole dessinée par Pierre Puget au XVIIe siècle, entend faire se matérialiser jusque dans l’espace du spectateur. La portée sonore du travail de Bourret, sensible dans les effets vibratoires propres à chacune de ses images, participe de ce phénomène. Alors qu’il nous donne à voir des œuvres hautement cinétiques, Éric Bourret semble vouloir traduire aussi – ou peut-être plus justement concrétiser – un bruissement quasiment atonal qui peut être celui d’un glacier en mouvement, d’une forêt gémissante au moment d’être traversée par le vent, d’un choc plein de sécheresse entre deux éléments minéraux. John Cage, que Bourret convoque fréquemment comme l’un de ses artistes de référence, vient naturellement à l’esprit de celui qui se plonge dans ses images fragmentées dont la matérialité s’irise de reflets sourds. La musique spectrale et les recherches de Tristan Murail offrent d’autres parentés stimulantes. Elles permettent de comprendre l’expérience esthétique qui se conjugue avec la contemplation des photographies d’Éric Bourret comme une mise en présence de la pulsation continue du monde que la déambulation – comme une quête – permet parfois d’atteindre.

Nicolas MISERY, 2021

Livre / Flux / Arnaud Bizalion éditions, 2021
Exposition / Centre de la Vieille Charité, Marseille / octobre 2021, février 2022

1 Au cœur d’une bibliographie pléthorique, on renverra plus particulièrement ici à Bertho et Conésa, 2017, à Di Felice et Stiwer, 1995, ainsi qu’à Ollier, 2013
2 Gilles Deleuze, Cinéma 1. L’image-mouvement, Paris, Éditions Minuit, 1953 ; Georges Didi-Huberman, Devant le temps. Histoire de l’art et anachronisme des images, Paris, Éditions Minuit, 2000
3 Au sujet des recherches d’Hamish Fulton, voir Ben Tufnell and Andrew Wilson (dir.), Hamish Fulton : walking journey, Londres, Tate Publishing, 2002. La marche en tant que pratique créative a retenu l’attention de plusieurs historiens de l’art et commissaires d’exposition. Nous renvoyons seulement ici au projet Marches, démarches, manifestation culturelle associant plus de cinquante lieux à l’échelle du territoire de la Région Sud Provence-Alpes-Côte-d’Azur autour du FRAC PACA et sous le commissariat de Guillaume Monsaingeon.

THE PULSATION OF THE WORLD - Photography and the experience of movement in the work of Éric Bourret

Éric Bourret, a photographer-land surveyor as he likes to call himself, places the experience of perambulation at the heart of his work. The art he has been creating for nearly three decades is mainly the result of solitary expeditions to the Himalayan summits, the primary forests of Macaronesia, or the volcanic expanses of Iceland. There is a protocol to the production of his images that is almost systematically identical. For more than six months a year, Bourret walks. After several days following a meticulously prepared route, once he has begun to fully experience the terrain, he begins the patient work of shooting, and then gradually increases the number of images he captures as he moves. There is no documentary or picturesque element to the images that result from these ongoing journeys, nor does he succumb to any sensationalist temptations that might be induced by the territories for which he has such a predilection. On the contrary, Bourret’s photographs are undeniably modest. They possess, above all, a strong meditative dimension that results from their visual nebulosity, their adventurous destabilization of relationships of scale, and their profound, pulsing tangibility that often reaches the point of abstraction. Immersion into their intensely delicate worlds, both through the series of images and through the ritualistic paths that saw them come to life, confers a poetic experience. In the words of the photographer himself, it consists of crossing and being crossed by the landscape and its innumerable reverberations.

This artistic posture gives Éric Bourret a singular place among contemporary photographers, to such an extent that it is difficult to situate his work among the many different explorations of landscape that have been conducted over the last 30 years, both by artists and by the critics who have taken an interest in the subject.(1) Granted, the game of comparativism that is so dear to art history does provide a few stimulating avenues of interrogation. For example, the proclamation of the aesthetic autonomy of the natural element beyond any physical topographical reality, which is perceptible in Bourret’s images, is not unrelated to the artwork that Walter Niedermayr has been creating since the 1980s. This can be demonstrated by noting the similarities between the almost monochrome snowy and mineral materials in Bourret’s series “Dans la gueule de l’espace” [In the maw of space] (2009-2014) and “Vedretta Piana III”, a set of three photographs Niedermayr made in 1999. It is also tempting to compare Bourret’s interest in the visual potential of the vegetation that covers land, as can be seen in the series “Primary Forest” (2016), with Holger Trülzsch’s “Mnémographies, La géographie du feuillage” [Mnemographies, The Geography of Foliage] (1982). The atmospheric approach of Darren Almond or Elger Esser, as well as the profoundly pictorial expressions of Tania Mouraud, offer a few more points of comparison that are not without interest when assessing Bourret’s series “Perpetuum mobile” (2005), “Venise-Envies” (2013), or “Sainte-Victoire” (2015). Indeed, all of this work converges around a type of ontological disorder that produces a conflation with drawings, paintings, or engravings. But even if such similarities are captivating, they mostly reveal a common culture shared by the artists, and that can be traced back to the dawn of photography, beginning with the seascapes of Gustave Le Gray, which Bourret cites as among his first frames of reference. These similarities are all the more reductive when the unique demands of his photographic expression are taken into account. To better appreciate this, it is judicious to set aside the taxonomies that are proper to the history of photography, and to instead open the field of inquiry beyond the iconic nature of the images so that the gestural dimensions of Bourret’s vision can be fully integrated; the physical weight, of course, but also the sensory and psychological elements. By choosing to do so, and by examining the influences cited by the artist himself, it will be less a question of the historical and contemporary practices of photography and more of a focus on the relationship between his work and fields of creation that are in the same register, such as performance, conceptual art, and land art.

Image and movement, from performance to land art

This approach involves, first of all, a reexamination of the importance that Bourret gives to walking and the myriad of intimate processes that arise from this pursuit that are at the very heart of his work. The production of the images is guided by the processes associated with walking, a phenomenon that started early in the history of landscape photography as camera equipment became more portable and robust. This dates back to the photo reportages by the famous Marseille walkers that were done starting at the end of the 19th century, but it can also be seen in the work by photographers commissioned by the Land Development and Regional Action Delegation (DATAR) after the 1960s. However, the photographic process is dramatically amplified by Bourret in a manner that has never been seen with other photographers, it becomes a multi-faceted experience, not so much visual or intellectual as wholly sensory. The image as it appears to the observer cannot be understood as an objective distancing of the landscape, that’s to say, as the result of freezing an instant and a visible portion of the landscape in time, which is what is usually entailed when an image is captured. On the contrary, here, the image appears as the crystallization of a complete introspective experience, one that is both the result of and the retrospective reactivation of internal micro-phenomena that condition the means of the image production and its visual dispositions. Fatigue, cold, isolation, sweat, loss of spatial reference points, dilation of time, and pain, sometimes, are just some of the many parameters proper to the experience of walking that Bourret has established as an integral part of his artistic work. This choice irrefutably distinguishes him from the artists who were cited above, and it goes beyond comparable artistic reflections by other photographers, such as Gilbert Fastenaekens, to a degree that has not been seen before. Yet, make no mistake, there is no romantic transfiguration or allusion to the sublime. Instead of Caspar David Friedrich, Bourret is reminiscent of Francis Alÿs, who made art out of his resolutely modest practices of wandering, walking, and flânerie. Sometimes making something leads to nothing, the famous 1997 performance that saw Alÿs move a block of ice through the streets of Mexico City for nearly seven hours until it was completely melted, sheds light on this question; it almost exclusively focuses on the force of the action to the extent of suggesting its primacy over the result, while also elevating the time it took to make the work to the status of an artistic object in its own right. While maintaining their standing as material photographic creations, several series produced by Bourret – such as the previously mentioned “Dans la gueule de l’espace” or “Primary Forest” (2016-2019) or “Hot Spot” (2020) – bear the traces of an analogous manner of reflection, all the way down to the rigorous protocols that guided their production. By superimposing several images that are captured from the same photographic field as he walks – six, sometimes up to nine – Bourret encapsulates several successive temporalities within the image. The tangible result is vibratory and quasi-kinetic, and it both elicits and collates the experience of walking; it aggregates and telescopes the slow unfolding of this experience composed of successive micro-temporalities as a way to provide a visual understanding of it for us. There are frameworks that are propitious to better appreciating this process, such as the concepts of “time-image” from Gilles Deleuze and “anachronism of images”, from Georges Didi-Huberman. (2) It is here that flux, the term that is so dear to Éric Bourret and that gives the title to the exhibition at the Centre de la Vieille Charité, is first brought into the light. It intends to give an account of this lived experience “of time on time on time” to quote Bourret, an experience in the guise of a breath that is taken again and again.

A receptive landscape, a photographic polyphony

Under this same heading, there is Hamish Fulton, who has been a walking artist since the 1970s and whose works are frequently evoked by Bourret, along with the landscape perambulations of Andy Goldsworthy and other land art artists. (3) Above all, they offer an opportunity to examine another aspect of Bourret’s practice. For him, as for Fulton and Goldsworthy, walking is a privileged means of widening the spectrum of receptiveness to the landscape. It is a means of activating artistic subjectivity, where the real challenge consists of embracing the landscape in a broader sense. As he crosses the Himalayas, Iceland, or the primary forests, or when he repeatedly returns to Mont Sainte-Victoire, Éric Bourret seeks out harmonies between the telluric energy of the places he surveys and the minute vibrations of his own living organism. The title of the series “Excuse me, while I kiss the sky” (2011) and its reference to Jimi Hendrix is especially eloquent considering the photographer’s eminently sensual and almost fusional approach with the natural element. It is the symbiosis between the macrocosm and the microcosm that results from surveying the land and its physiological and spiritual corollaries that gives rise to perception and the resulting photographic image. The shots taken from the ground, the destabilization of the perspectives of landscapes, the disturbance of relationships of scale – all of these characteristics of Bourret’s artistic inquiry are perhaps the fruit of an experience close to hallucination, or perhaps even close to magic, as he explains it. They are above all the sign of the photographer’s quest to detect the network of complex and potentially contradictory energies in the landscape and then to vibrantly transcribe them through an image. By walking, by exerting himself to the point where the boundaries between individual and nature begin to blur, Bourret requalifies the very notion of “agency”: discarding his own visual culture, he brings into play a non-cerebral creative process that is organic and highly fluctuating, and that is shared between a person and their natural environment.
The presentation of Éric Bourret’s images of Mont Sainte-Victoire alongside an installation by Richard Long at an exhibition at the Espace de l’Art Concret in Mouans-Sartoux in 2019 perfectly translates this analogy between his photographic endeavors and the work of land artists. Bourret, like Long, tends to provide an encounter between the observer and the creative energy – the “natura naturans” – that is testified to by the landscape. Their works converge in a laissez-faire process regarding the landscape that does not preclude randomness, accident, or mutability, all as a way to transcend what is visible and reach a cardinal principle that is similar to, in Bourret’s own words, an “original Christian chaos or […] a biblical Hebrew tohu- wa-bohu” that overflows the visible. The drips, swells, and swarms on the surface of Éric Bourret’s photographs capture this constant visual outpouring of the natural realm. The series “Cradle of Humankind”, which was made in South Africa between 2009 and 2016 and pondered the traces left by early hominids on the ground’s surface, results from a comparable curiosity regarding origins and the manner that they project into the present. There is flux, once again, with the installation of a large photograph of the sky placed on the floor of the chapel of the Centre de la Vieille Charité; it faces up to the vertiginous dome designed by Pierre Puget in the 17th century and gives material form to the space of the observer. The aural scope of Bourret’s work, which can be felt in the vibratory effects specific to each of his images, adds to this phenomenon. While presenting us with highly kinetic works, Éric Bourret also seems to want to translate – or perhaps, more precisely, to concretize – an almost atonal rustling that might be a moving glacier, a forest groaning as it is traversed by the wind, or an arid clash between two mineral elements. John Cage, whom Bourret frequently mentions as one of his artistic influences, comes immediately to mind when immersed in the photographer’s fragmented images and their materiality that shimmers with muted reflections. Spectral music and the compositions by Tristan Murail offer other intriguing kinships. They allow us to understand the aesthetic experience intrinsic to the contemplation of Éric Bourret’s photographs as the presence of the continuous pulsation of the world that walking – as if on a quest – sometimes allows us to access.

Nicolas MISERY, 2021

1 Among the plethora of works devoted to landscape and nature, here there is an emphasis on books by Bertho and Conésa (2017), di Felice and Stiwer (1995), as well as Ollier, 2013
2 Gilles Deleuze, Cinema 1: The Movement Image, London, Continuum, 1992; Georges Didi-Huberman, Devant le temps. Histoire de l’art et anachronisme des images, Paris, Éditions Minuit, 2000
3 For more about Hamish Fulton’s work, see Hamish Fulton: Walking Journey by Bill McKibben, Ben Tufnell et al. (London, Tate Publishing, 2002). Walking as a creative practice has attracted the attention of several art historians and exhibition curators. From this overall body of work, it is interesting to note Marches, démarches, a cultural project associating more than 50 locations across the territory of the Sud Provence-Alpes-Côte-d’Azur region that was held under the aegis of the FRAC PACA contemporary art archive and under the curatorship of Guillaume Monsaingeon.